pierre juste, le site et la galerie de l'artiste: poèmes infographiés - poésie sur texture



CHERCHEUR EN VIE MEILLEURE

"L'écriture est inutile. Elle donne l'illusion d'une utilité. Ecrire ne permet que de "meubler" de longs et insupportables moments de silence. Ecrire est une épée qui fend ces silences d'un coup d'orgueil, brise les longues après-midi inutiles où l'on n'aurait pas su quoi faire, juste attendre la fin du jour.
Ecrire est une compresse sur une souffrance infinie, la souffrance infinie d'un sens non trouvé à sa vie, d'une raison de vivre non comprise. Ecrire est le geste désespéré d'un amour fou de la vie, dont on ne sait rien faire. Et dont on ne sait surtout pas se contenter."
(c) 2002.


Comme un être humain sur la Terre comme un caillou posé sur le sol. Une pierre juste posée là. Celle d'un jardin zen me ferait trop d'honneur. Non, plutôt celle usée, polie, aux formes rondes, sur une plage de sable grossier entre les rochers. Caillou lancé, tombant n'importe où, roulant sur lui-même, brièvement, puis s'immobilisant pour un siècle. Caillou s'épanouissant pour ce qu'il est, et non pour ce qu'il pourrait être. Un caillou juste laissé là, oublié par Dieu peut-être qui semait des cailloux derrière lui pour retrouver le chemin d'un paradis perdu.

Bien sûr, il faut parfois "faire" le chemin avec le coupe-coupe à la main. Se débarrasser d'un sac à dos lourd de choses inutiles. Parfois je trébuche et il y a Pierre qui roule... Et puis on arrive à une clairière. Une clairière amoureuse, "juste" au milieu de la jungle des sentiments, des soucis, de ces choses de la vie qui nous dispersent. Pire, on a tellement couru, tellement mis d'ardeur à trouver ce havre, qu'on le dépasse, emporté par l'élan. Me voilà à nouveau perdu et ça n'est pas si grave : je ne suis toujours qu'une pierre juste égarée, que le coup de pied d'un enfant, d'un ange ou d'un troll fera peut-être rouler jusqu'à la clairière suivante...


Ne chercher pas plus à plaire qu'à convaincre : ni séducteur, ni rebelle. Les oeuvres ne sont plus une fin en soi. Une faim de soi, peut-être. Elles sont l'alibi, la justification d'un travail aussi inutile qu'essentiel, une quête. A la question "Que faites-vous dans la vie" aussi je ne sais toujours pas répondre. Je m'efforce d'être, ce qui n'est déjà pas toujours si simple (cf. "Le masque de faire"). Etre un des vecteurs de la "parole amoureuse", cette poésie du coeur, peut-être. Mais quelle importance au fond.


MANTRA :

"La souffrance est infinie pour celui qui a choisi l'humilité.
Devoir chaque jour se dépouiller un peu plus de ce qu'on croyait être soi.
Abandonner toute fierté, accepter pour faire son voyage de s'en remettre à un capitaine sourd et muet (Dieu peut-être); savoir que quelles que soient ses rencontres, c'est un voyage solitaire que personne ne peut accomplir à sa place; renoncer à convaincre, accepter d'être seul,
de plus en plus seul et pourtant de plus en plus libre.
Savoir que, pas plus qu'un objet, un être ne lui appartient; découvrir un jour,
lorsqu'est franchi le seuil au-delà duquel il n'existe plus ni Bien ni Mal,
qu'il n'appartient plus à lui-même.
La souffrance est infinie parce que ses pieds saigneront et que souvent
ses mains en vain se tendront
vers cette absolue, inaccessible lumière; parce que chacun de ses rêves se noiera;
qu'il griffera la nuit et toutes les nuits
avant de naître enfin;
avant de n'être, enfin, qu'un homme".

texte anonyme ("Dominique") paru dans la revue "Paroles & musique"
n°62, 1986, hommage à l'artiste Gérard Manset.

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mérite rétribution fût-il artistique  (futile ?!).